Edition du 14/01/00 - © Rossel & Cie SA - LE SOIR Bruxelles
L'ex-patron de la Gécamines s'enfonce
Billy Rautenbach accumule les faillites
JOHANNESBOURG
De notre correspondante particulière
Les déboires s'accumulent pour Billy Rautenbach, l'homme d'affaires blanc originaire du Zimbabwe qui défraie la chronique depuis qu'il s'est aventuré dans le secteur minier en République démocratique du Congo. Après avoir accumulé les succès et bâti en quelques années un empire africain dans le secteur du transport, de l'automobile et des mines, cet homme de 40 ans est en train de subir revers sur revers.
Lundi, un tribunal sud-africain a ordonné la liquidation de «Hyundai», l'une des filiales de son groupe «Wheels of Africa». Alors que la marque coréenne avait réussi à conquérir 11 % du marché sud-africain de l'automobile depuis son lancement en 1993 c'est un échec cinglant pour le tycoon zimbabwéen, qui risque aussi de coûter cher à la Belgolaise, l'un de ses créanciers. L'usine d'assemblage au Botswana, autre fleuron du groupe, est également menacée de fermeture: à la veille de Noël, Rautenbach avait déjà perdu l'assemblage et la distribution des camions Volvo dans plusieurs africains. Ces échecs sont un coup très rude pour cet homme de 40 ans dont «l'empire» se réduit désormais à une flotte de camions et à des intérêts miniers au Congo.
ACCUSATIONS DIVERSES
Mais, même dans ce pays, le Zimbabwéen n'a plus le vent en poupe: en novembre dernier, il a perdu la direction la Gécamines, dont il avait pris la tête, suite à l'intervention armée du Zimbabwe au Congo. Même si Rautenbach reste directeur en titre, le véritable pouvoir appartiendrait désormais à Georges Forrest, l'entrepreneur belge de Lubumbashi bombardé par Kabila à la présidence de la Gécamines en novembre dernier. Alors que le Zimbabwe a annoncé un retrait partiel de ses troupes du Congo, on peut se demander combien de temps encore Rautenbach conservera ses autres concessions minières.
Comment expliquer ces revers? Rautenbach met ses échecs sur le compte de la justice sud-africaine: J'envisage de poursuivre le procureur général sud-africain et tous ceux qui sont responsables de cette chasse aux sorcières visant à détruire ma famille et mes affaires.
Sans qu'il y ait jamais eu d'inculpation prononcée, le patron zimbabwéen a été accusé pêle-mêle de trafic de drogues et d'armes, de fraudes et, même, d'avoir ordonné l'assassinat, l'année dernière, d'un concurrent, le directeur coréen de la filiale de Daewoo en Afrique du sud.
ARDOISE A LA BELGOLAISE
Ces accusations ont pourtant été jugées non fondées et injustifiées par la Haute Cour de Pretoria, le 23 décembre dernier: cette dernière a interdit au procureur général de répéter ses propos diffamatoires et elle a ordonné de remettre à Rautenbach tous les documents saisis lors des perquisitions. Connaissant l'homme, son implication dans un meurtre ou dans des trafics de drogue ou même d'ivoire, comme l'affirme l'hebdomadaire «Newsweek», me paraît improbable, confie un proche. Il a peut-être livré des armes du Zimbabwe au Congo, mais rien ne dit qu'il s'agissait d'un trafic illégal. Je pense que Rautenbach est surtout victime de sa trop grande ambition, de son arrogance, de la conjoncture économique et de manoeuvres politiques liées à son engagement au Congo.
Le jugement du tribunal de Pretoria est intervenu trop tard pour sauver le groupe de Rautenbach. Effrayés, les consommateurs sud-africains n'achètent plus de voitures Hyundai: or la filiale se trouve dans le rouge depuis la flambée des taux d'intérêts provoquée par la crise asiatique en 1998. En juin dernier, les banques créditrices avaient accordé un moratoire de six mois. A l'époque, Rautenbach avait promis d'éponger les pertes grâce à ses projets miniers au Congo. Mais les poursuites judiciaires ont aggravé la situation et les banques ont décidé d'arrêter les frais: selon le journal «Business Day », la Belgolaise se retrouve avec une ardoise d'environ 600 millions de francs. Même si cette créance diminue après la liquidation (Hyundai a trouvé un repreneur local), elle va peser lourd sur les résultats de la banque belge qui a enregistré, d'après le rapport annuel, un bénéfice net de 210 millions de francs en 1998.
VALERIE HIRSCH